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Les pensées font leurs drôles de vies
25 novembre 2020

Mauvais accordage - Sublimation

Il me semble que lorsqu’une personne est agitée par une énergie intense et positive, elle suscite parfois chez l’autre un repli : l’autre n’est pas excitable à ce moment, la nourriture qu’on lui envoie est trop chargée par rapport à son état actuel. Il y a barrage, et les lames de vie envoyées par l’agité se cassent sur la peau du calme, qui vient de se durcir.

C’est un mécanisme de protection : voyant un autre plus heureux, associatif, vivant que soi, quelque chose en lui tente de se remettre en question… Mais le cerveau, à l’ombre du faisceau de la conscience, se charge de préserver le Moi de l’affront. Pour réduire la dissonance cognitive, rien de tel qu’un bon coup de pied au cul dans l’un de ses protagonistes.

L’agité, lui, finit parfois par comprendre qu’il est seul dans son enthousiasme. Et toute la vie qu’il envoie, à coup d’idées passionnées, de lyrisme incontrôlé, tout tombe par terre. Alors qu’il attend l’autre comme un mur rebondissant sur lequel ses balles viendraient se charger de nouveaux éléments, les balles tombent au sol. Désemparé, il oscille entre la colère devant cet autre indifférent, qui tente de lui gâcher sa félicité, de l’autre il réalise (parfois) que cette agitation, est ce qu’elle est justement : une tension, un débordement.

Sa façon de l’envoyer aux autres, comme autant de fléchettes en quête de cible, sont probablement trop pointues, trop rapides, trop piquantes. La cible en est toute perturbée. Elles viennent rompre son équilibre interne, ou du moins le troubler. Il y a menace. 

L’électron libre envisage brièvement l’idée de s’apaiser, d’accepter ce flux émotionnel sans chercher à le partager, à le contenir en soi. Mais c’est difficile. La ferveur de tels torrents est grisante. Elle crée des ponts entre les chemins de pensées, crache sur les réserves timides. Porte fièrement l’espoir du sens, et de l’accomplissement possible. D’autant qu’il sait que cette fougueuse disparaîtra bien vite. Avec le temps, il a appris à se connaître même s’il est jeune encore. Alors, comment résister ? Il veut parler de toutes ces choses qui le font vibrer, car à cet instant le soleil brille dans son esprit, et double le rendement d’activité électrique positive de son cerveau.

Mais peut-être n’adopte-t-il pas la bonne stratégie. Peut-être devrait-il s’assoir, prendre un stylo, se recueillir un instant et puis obliger l’énergie à s’écouler par un seul chemin. Ainsi, elle ne fuirait pas de toutes parts. Concentrée en une trajectoire définie, elle pourrait devenir plus forte encore. Et elle pourrait se transformer. Plus tard, l’agité ne ressentirait pas la frustration d’avoir laissé s’échapper quelque chose de beau. Sublimation.

Oui, se dit-il. Je vais aller prendre de quoi écrire. Il s’est mis en mouvement mais il réalise aussitôt que la tempête joyeuse s’en est allée, sans crier gare.

                                                                    Maïa Camus® (Image protégée par le copyright)                        

                                

                   Dessin de Maïa Camus ® (image protégée par le copyright)

 

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